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Les constats

Une décennie après la mise en place de la réforme, la plupart des indicateurs de réussite ont progressé, mais pas à un rythme satisfaisant. Quel portrait faut-il dresser de la situation?

Selon Steve Bissonnette, « le Québec s’est amélioré au cours des 5 à 7 dernières années. On a par exemple connu une légère baisse du taux d’abandon à l’école, mais ce n’est pas suffisant. (…) La situation n’est pas dramatique, mais il ne faudrait pas attendre qu’elle le soit avant de se prendre en main », résume-t-il.

De son côté, Égide Royer met en garde contre une lecture rapide des données du ministère de l’Éducation. Depuis quelques années, celui-ci reconnaît jusqu’à 6 types de diplômes, certificats et qualifications, en plus du diplôme d’études secondaires. Les individus qui n’ont pas complété leur secondaire, mais qui disposent de ces qualifications sont considérés dans le calcul du taux de diplomation et, corolairement, exclus du calcul du taux de décrochage.

« Vous pouvez avoir 18 ans, avoir un niveau de compréhension de lecture du primaire, et être considéré comme étant diplômé du secondaire. Il y a un flou artistique qui s’est installé » déplore le chercheur. De quoi relativiser les avancées concernant le taux de décrochage au Québec, tel que l’on peut les observer dans le graphique suivant.

Les points cardinaux de l’éducation

Pour mieux s’y retrouver, Égide Royer propose les « points cardinaux » de l’éducation, soit quatre axes qui permettent de cibler les grandes lacunes du système. Premier arrêt : la différence marquée entre les garçons et les filles à l’école.


L'écart entre les garçons et les filles

Les garçons en ont toujours plus arraché à l’école que les filles. « Ce n’est pas une caractéristique propre au Québec, mais c’est l’importance de l’écart qui est troublant », note M. Royer. Avec seulement 11% d’enseignants masculins dans les écoles primaires, l’expert estime que le rôle des hommes en éducation n’est pas suffisamment valorisé.

Conséquence : les modes masculins d’apprentissage ne sont pas pris en compte. « Il va falloir reconnaître qu’il existe certaines différences entre les gars et les filles, ne serait-ce qu’en terme de goûts et d’intérêts », lance-t-il.



L'écart entre les anglophones et les francophones

Pour la communauté anglophone, l’éducation revêt une « importance fondamentale », estime M. Royer. Il affirme que les commissions scolaires anglophones ont des résultats aussi convaincants que les conseils scolaires du réseau ontarien.

Le chercheur ajoute qu’en raison de la langue, « les intervenants ou les éducateurs anglophones ont facilement accès aux pratiques exemplaires nord-américaines » alors que chez les francophones, il y a souvent « un pare-feu » qui limite cet accès.


L'écart entre les écoles privées et celles du réseau public

Seulement 64% des garçons qui vont à l’école publique terminent leurs études secondaires dans le temps prévus. Ils sont 87% à le faire dans le privé, et les filles y arrivent même dans une proportion de 95%.

Pour Égide Royer, cette différence n’est pas acceptable. Les écoles privées et les écoles publiques à vocation particulière effectuent « un tamisage des meilleurs élèves », laissant aux enseignants du réseau public « des tâches et des contextes de réussite très inégaux ».



L'écart entre les élèves en difficulté et ceux qui ne le sont pas

Au Québec, près d’un jeune sur deux qui présente une difficulté ou un retard scolaire va décrocher.

Pour M. Royer, une société comme le Québec où le filet social est très présent ne devrait pas voir autant de jeunes en difficulté laissés à eux-mêmes. Si les taux de jeunes en difficulté sont si grands, « c’est qu’on attend beaucoup trop tard pour intervenir ».

Il compare l’éducation à la santé : si un jeune se blesse, on intervient aussitôt. On devrait en faire autant lorsqu’un jeune du primaire a des difficultés en lecture.

« Il faut être obsessif » dans les interventions auprès des étudiants en difficulté, dit-il. « La probabilité de réussir au secondaire si vous ne savez pas lire à la fin de la 3e année est extrêmement faible. C’est pire que les chances du Canadien de faire les séries! », illustre le professeur de l’Université Laval.


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